STÉPHANE MALLARMÉ

PLACET FUTILE


I 
2
 
4

Princesse ! À jalouser le destin d'une Hébé
Qui poind sur cette tasse au baiser de vos lèvres,
J'use mes feux mais n'ai rang discret que d'abbé
Et ne figurerai même nu sur le Sèvres.

II 
6
 
8

Comme je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni la pastille ni du rouge, ni Jeux mièvres
Et que sur moi je sais ton regard clos tombé,
Blonde dont les coiffeurs divins sont des orfèvres !

III 
10
 

Nommez-nous .. toi de qui tant de ris framboisés
Se joignent en troupeau d'agneaux apprivoisés
Chez tous broutant les vœux et bêlant aux délires,

IV12
 
14

Nommez-nous .. pour qu'Amour ailé d'un éventail
M'y peigne flûte aux doigts endormant ce bercail,
Princesse, nommez-nous berger de vos sourires.

(Les poésies de Stéphane Mallarmé : photolithographiées du manuscrit définitif.... - Paris : 1887;
 Gallica jpg; Gallica source)
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PLACET


À M. Arsène Houssaye

I 
2
 
4

J'ai longtemps rêvé d'être, ô duchesse ! l'Hébé
Qui rit sur votre tasse au baiser de tes lèvres ;
Mais je suis un poëte, un peu moins qu'un abbé,
Et n'ai point figuré jusqu'ici sur le sèvres.

II 
6
 
8

Puisque je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni tes bonbons, ni ton carmin, ni tes jeux mièvres,
Et qu'avec moi pourtant vous avez succombé,
Blonde dont les coiffeurs divins sont des orfèvres,

III 
10
 

Nommez-nous... - vous de qui les souris framboisés
Sont un troupeau poudré d'agneaux apprivoisés
Qui vont broutant les cœurs et bêlant aux délires.

IV12
 
14

Nommez-nous... - et Boucher sur un rose éventail
Me peindra, flûte en mains, endormant ce bercail,
Duchesse, nommez-nous berger de vos sourires.
[(1762)]

(Le Papillon, 2e année, no 28, 25 février 1862, p. 77-78;
cité d'après: Mallarmé: Œuvres complètes, Bertrand Marchal éd. - Paris: Gallimard, 1998, p. 124.)
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LA PRIERE DU GUEUX


I 
2
 
4

Duchesse, j'ai longtemps rêvé d'être, l'Hébé
[Peinte sur votre tasse] et que baisent vos lèvres[,]
Mais, n'étant que racleur de lyre, et moins qu'abbé,
Je ne pourrais jamais figurer sur le Sèvres.

II 
6
 
8

Hélas ! je ne suis pas ton bichon embarbé,
Ni le sac de bonbons croqués par tes dents,
Mais [puisque sur nous] ton regard est tombé,
Blonde, dont les coiffeurs ravis sont des orfèvres[,]

III 
10
 

Fais de nous... - toi de qui les souris framboisés
Sont un troupeau poudré d'agneaux apprivoisés
Qui vont broutant les cœurs et bêlant aux délires, -

IV12
 
14

Fais de nous... - [et Boucher] sur un rose éventail
Me peindra, flûte aux doigts, endormant ce bercail,
Duchesse, nommez-nous berger de vos sourires.
1862

(Manuscrit autographe de 1862, corrigé vers 1864;
cité d'après: Stéphane Mallarmé: Œuvres complètes - Poésies, Carl P. Barbier et Charles G. Milan. éd. - Paris: Flammarion, 1983; p. 111.)
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